Fig 1. L'oeil vif et le regard brillant dans cette magnifique aventure.

Devant vous se dresse un entrepôt couleur canard WC, avec des décalcomanies sortis tout droit du film « Le Monde de Nemo ». Comme l’attraction ouvre dans 30min et qu’une file d’attente s’est déjà formé en foutant le bordel dans le flux des passants, vous aurez largement le temps d’admirer la finesse architecturale du bâtiment.

Ainsi que toutes les merveilles d’ingéniosités développées par les connards qui tentent de gruger…

Oui, on t’a vu avec ta bande de potes décérébrés… toi en train de regarder en l’air, puis se fondant discrètement dans la grosse marée humaine qui entre dans la file d’attente balisée. T’as raison, personne ne te dira rien, la nana chargée de contrôler est en train de tailler la bavette avec un cuistot qui s’apprête à aller réchauffer 3 tonnes de frites pour dans 2h.

Subtilité, il y’a 2 entrées pour l’attraction. La première, celle qui voit défiler un défilé de veaux toute la journée, et la seconde, pour l’aristocratie qui a eu le privilège d’apprendre à lire en CP : L’entrée Single-Rider.

Fig 2. Non Monsieur, vous êtes tout seul, la Single Rider n'est pas pour vous.

Le concept est totalement révolutionnaire : On sert de mastic pour colmater un trou dans un wagon, au prix très raisonnable d’être séparé de sa femme, son enfant, ses potes. En général, ça permet de faire un gain de 50 à 75% du temps d’attente normal. Bref, que demande le peuple ?

Mais chez Crush, non. Déjà, il faut que la file d’attente Single Rider soit ouverte. Souvent, elle est fermée, et le staff qui poireaute devant t’explique que : Alors là, c’est fermé, parce que.

Terminer ses phrases par “parce que”, cela fait partie des mauvaises habitudes qu’une bonne éducation parentale doit éradiquer dès le plus jeune âge. Désormais, c’est un pré-requis pour bosser.

Ici, il arrive qu’il y’ait des jours où le staff décide que : Non, tous les wagons partiront remplis à 100% (voir même 117% s’il a fait une école de marketeux 2.0 digital). Ils savent prédire que dans les 10 prochaines heures, tous les gens vont se présenter par groupe de 2 ou 4. Magique.

Donc, il faut s’engager dans la file d’attente classique. Et là commence le calvaire. Autant il arrive parfois qu’avec un environnement riche, on ne puisse pas voir le temps passer. Autant dans un enclos à vache, entouré de cris du type “Vazy wesh bâtard !” ou de “Ola SIIIII QUE TAL !! QUE CALOR !!”, le temps passe lentement. Très lentement.

Alors que vous étiez en train de réfléchir vous ne pourriez pas enfourner le mioche à côté de vous dans la poubelle qu’il s’évertue à faire claquer sous les yeux admiratifs de ses parents (Oh, il est si mignon et habile de ses mains), vous entrez enfin dans le bâtiment.

C’est en général le moment où l’attraction va faire sa panne quotidienne. Une panne quotidienne qui survient en général toutes les 2h. Parce que “tu comprends©, la sécurité, tout ça”, et c’est normal.

Un piaf qui s’est posé devant une caméra, un courant d’air qui a claqué une porte, faut pas déconner avec la vie des gens. La légende dit que le bouton “Arrêt d’Urgence” n’a plus sa couleur rouge à force d’avoir été appuyé.

En voyant arriver des loustics avec 3 clefs à molette attachées à la ceinture, on sait tout de suite que même sur le personnel technique, le budget n’est pas au rendez-vous.

C’est certain, les stages BEP Mécanique, ça coûte pas cher. Le pas nonchalant, les godasses qui raclent le bitume, éventuellement en bonus, la consultation du dernier statut Facebook du copain, tu sens que le calvaire va prendre une nouvelle envergure.

Allumage des lumières de service ! C’est annoncé au micro, dès fois qu’on ait pas remarqué la nouvelle lumière vive qui vient de nous arriver dans la gueule. Et tu sens que la nana au micro, elle est investie d’une mission sacrée. Le rallumage des lumières de service du manège, c’est pas pour déconner, ta centrale nucléaire à côté, c’est de la pisse d’âne.

Fig 2. Attends, je suis pas équipier McDo, je suis

Commence ainsi un va-et-vient entre la cabine de pilotage et … bah rien. Chez moi, j’appelle ça brasser du vent, et faut avouer que les petits pas de danse du reste du staff montre à quel point plus personne n’en a rien à foutre.

Les souffles d’exaspération commencent à monter de la masse des gens, parfois assorti d’un coup de téléphone qui va apporter le salut et les explications nécessaires aux gugusses qui attendent dehors : “Ouais c’est en panne. Les wagons avançent plus, c’est pour ça que tu vois plus rien passer dehors. Non je sais pas quand ça va redémarrer.”

“Quand cela va redémarrer”. L’interrogation qui bouillonne dans les esprits de tout le monde. Et ne vous risquez surtout pas à poser la question à des personnes que vous estimeriez compétentes sur le sujet.

Vous y verriez poindre un petit sourire en coin, assorti de la réponse hautement symbolique de notre société : “On ne peut pas vous le dire. On fait notre maximum.” Limite un petit “Cordialement” en fin de phrase, mais comme c’était pas marqué dans le PDF des speechs qu’on a filé à la formation, ça ne sortira pas.

Non on peut pas le savoir, personne ne peut le savoir. C’est pourtant compréhensible, tout repose sur le mec, avachi contre le mur de la cabine, qui tripote mollement un bouton en montrant un écran de caméra. Qu’est-ce qu’il en a concrètement à foutre que ça reparte ? Ca changera pas le montant de ses tickets restaurants.

Pourtant, le miracle arrive parfois. Des annonces à base de “Rallumage de xxx” se font entendre, un nouveau souffle d’exaspération jaillit, mais cette fois ci du personnel, et la chaîne industrielle peut reprendre.

Le temps va d’un seul coup s’accélérer ! Le but est proche ! Et il faut préparer sa réponse à la question tranchante : Combien many you êtes ?

La logique serait de croire qu’après avoir poireauté pendant 20min devant un quai de (dé)chargement, les gens auront compris plusieurs choses :

Qu’on débarque du côté opposé à l’embarquement
Qu’un maximum de 4 personnes est, non pas autorisé, mais possible.
Qu’on embarque 2 à l’endroit, 2 à l’envers.

Et c’est toujours à 50cm de la ligne de départ que se posent les questions débiles :

Mince, on est 5, comment on se réparti ? “Timéo”, tu vas avec “Matteo” ? Non tu veux tenter ta chance avec “Louna” dans le noir ? Bon écoute, prends le bébé sur tes genoux, on verra une fois embarqué.
Où je mets ma glacière ?
Je veux pas monter derrière ! Oui mais ça va tourner… Non mais je veux pas le savoir, je fais ce que je veux, je suis en démocratie.

Mais la plus belle des questions reste la suivante, émanant du staff : UNE PERSONNE ???

Moi ! Et si au passage vous pouvez me rappeler la définition de “Single-Rider”, je pense que ça pourrait faire l’objet d’une bonne blague, mais je suis taquin…

Vous y êtes ! Mais ne crions pas victoire trop vite, il se pourrait qu’un problème de sécurité se pose avec votre barre de sécurité.

Heureusement, le staff est là pour s’assurer que tout va bien. Il va ainsi caresser le revêtement de ta barre pour vérifier qu’elle n’a pas trop souffert et éviter en même temps de trop se salir les mains. Tu t’assureras donc toi même en bourrinant dessus que les crans sont bien enclenchés.

Et c’est parti pour l’aventure !

Concrètement, l’idée est de simuler une plongée dans le Courant-Est Australien, rappelant une scène du film “Le Monde de Nemo”. La première partie met rapidement dans l’ambiance. Au menu, grottes sous-marine, animaux bizarres, et lumière U.V quand elles marchent. Après une rapide grimpée dans un sous-marin désaffecté où nous rencontrons un des personnages principaux, le requin “Bruce”, qui ne mange plus de poisson et compte bientôt s’attaquer au gluten, nous arrivons au sommet de notre désillusion.

Pour tout courant maritime, présenté comme chaud et turquoise, on se retrouve finalement dans un hangar obscur avec des grincements et bruits de ferrailles.

Fig 3 : Ce qui compte c'est la beauté intérieure.

3 aller-retours avec un guili dans le ventre, 2 bons freinages pour te rappeler que bon, hein, “la sécurité avant tout, tu comprends©”, et retour au bercail.

Retour dans cette si jolie salle d’embarquement dans lequel tu as passé 1h de ta vie. Elle va me manquer…

Les regards du troupeau sont interrogatifs : “Alors c’est bien ?” Je ne sais pas, t’as ni mon estomac, ni mon oreille interne. Mais dans le doute, je réponds “Non, cela ne vaut pas le coup”. Rien que pour sentir la petite lueur d’espoir s’éteindre dans son oeil, et réaliser qu’il a fait tout ça pour rien.

Candy Crush Coaster

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